chronique de septembre :" Le bonheur"

Le bonheur
Il fallait le mériter ce séjour dans une boîte hermétique semi-plastifiée.
Je ne m’étendrai pas sur les faits et gestes qui m’ont amenée là, sinon une défaillance corporelle, sans trop de gravité, et un parcours du combattant que certains connaissent sans doute.
Avant d’atteindre la boîte hermétique, qui s’appelle « soins de suites » à l’hôpital, il m’a fallu revêtir la tenue de combat, bleu marine et blanche. Y aurait eu du rouge et c’eut été le pompon. Bien sûr après lavage, et désinfection jusqu’à la pointe des cheveux, il y a eu essuyage avec ma serviette tissée coton, « stérilisée » à ma façon (rires). Je ne parle pas des adeptes du gant de toilette… Cet effort, à jeun, avec un minimum de globules et de tension - les infirmiers n’arrêtent pas de la prendre - m’a demandé de me reposer dans les draps de la nuit, en attendant le signal du départ. J’étais donc toute fringante dans les draps de la nuit qui venaient de traverser des heures de canicule dans une pièce sans air. Les fenêtres, anti-suicide je suppose, ne s’ouvrent que de 8 cm sur un minimum de hauteur. Même un chat ne pourrait s’y glisser. De toutes façons, il n’y a pas de chat dans ces lieux hostiles à certaine forme de vie. En plus de la chaleur et du manque d’air, les alèzes en plastique, les couettes en plastique et les oreillers en plastique, avec housse tout de même, ont largement contribué à me faire macérer dans un merveilleux bouillon de culture. Font-ils dans les hôpitaux, une sélection de microbes, dans des lits transformés en bacs à incubation, me suis-je demandée ?
Mais les apparences étaient sauves puisque la douche avait été prise dans les normes et j’avais revêtu ma « nuisette » du jour J, en non tissé, à usage unique et sans microbe, ainsi que la culotte bouffante des plus sexy : taille unique, dans laquelle avec mes 40 kilos je me suis sentie un peu perdue. J’avais renoncé à la charlotte et aux chaussons. Mes pieds m’avaient déjà mené à travers la chambre. Valait-il mieux mettre les microbes hors des chaussons ou dedans ? Voilà une question essentielle.
Les questions essentielles contribuent-elles au bonheur ?
Les bas blancs, résille ou presque, de contention, étaient des plus classe, assortis au liséré de la culotte ! Un vrai bonheur que de me voir aussi chic pour cette nouvelle aventure. Ma voisine a apprécié mon défilé de mode… Nous avons bien ri.
Le bonheur est-il dans la moquerie ?
Que nenni diraient certains ! Alors où se cache-t-il ?
Après l’intervention, entracte oblige, je me suis retrouvée dans la boîte hermétique. Là pour se suicider, on ne peut que glisser sur un plastique égaré et s’arrêter avec fracas la tête contre des vitres irrémédiablement closes. Et d’une opacité qui ne laisse péniblement passer que quelques bribes de jours ou de nuits.
Pour pallier cet hermétisme, les penseurs modernes, ont installé la clim ! Comme on dit chez nous : l’ Air Con ! Nuit et jour ; Juste quelques arrêts sûrement pour le refroidissement. Une chose est sûre, lorsque je levais les yeux au ciel, enfin faut le dire vite, merci mon Dieu, alors l’air con s’était tu. Je voyais alors les poussières qui retombaient une à une dans la pièce, s’échappant de la bouche d’aération.
Quel bonheur de s’occuper de la sorte ! Goutter le silence, voir des traces d’humanité !
Pourtant, j’étouffais littéralement dans cette boîte désinfectée.
Alors je vous le dis, en arrivant chez moi, j’ai filé m’allonger sous mon bouleau, dans l’herbe encore verte et tendre. Les montagnes alentours vibraient de toutes leurs énergies. Le soleil s’émiettait à travers les feuilles frétillantes, au petit vent de l’après midi. Les couleurs dansaient dans mes yeux…Je me remplissais les poumons de cet air qui circulait enfin, laissant les mouches et les fourmis crapahuter doucement sur moi. C’était vivant ! C’était plein ! J’étais vivante et pleine de gratitude envers cette terre superbe.
Eh bien je vous le dis : C’est ça le bonheur !
Ne le cherchez pas plus loin… il est bien là, à l’intérieur de chacun, à fleurir, à vibrer de toute sa flamme! Il vient du dehors, le plus souvent, et chacun est libre de le protéger ou non des intempéries de la vie, de l’accueillir pour le faire vivre en soi et même le transmettre aux autres !
Cela arrive et pas qu’aux autres…

Sylvie Domenjoud le 2 septembre 2016

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