Chronique de Janvier : Le Grand Progrès Social

Le Grand Progrès Social
Pour une montagnarde de la Haute Savoie, aller à l’océan est un grand dépaysement ! Avec ses plages de sable et de rochers, cet océan de vagues, d’écume, de limpidité aussi, qui deux fois par jour redevient terre, est un trésor; Trésor de coquillages, de cailloux roulés et polis par les vagues, de varech en veux-tu, en voilà. Océan qui oublie, en se retirant son plein d’habitants : crabes, crustacées et coquillages. Ils se cachent, rusés, au creux des rochers, s’y incrustent, disparaissent six pieds sous le sable, pour survivre à l’air du temps !
Mais résisteront-ils aux pêcheurs à pied qui arrivent en vélo et en tribus ? Avec leurs paniers, grattoirs, marteaux, burins, épuisettes, on les voit, fesses en l’air, qui burinent, gratouillent à tour de bras. Course contre la montre et contre la mer, ils s’affairent.
En voilà qui au burin, qui au grattoir se déchainent ! Lâcher prise oblige ! Les huîtres sauvages délaissent leur havre de paix et se retrouvent la tête dans le sceau, manteaux de calcaire pour seule protection ! Les palourdes, si lourdes, sont extraites de leur vase noire et rassurante ! Les moules pleurent leur byssus, arrachées aux rochers. Des crabes, à l’abri des regards, n’attendent pas la main gantée qui les délogera. Ils se rebiffent jouent à qui perd gagne ! Ils ne lâcheront pas prise en pinçant celui qui voulait leur serrer la pince. Ils veillent au grain ! Grain de pluie qui parfois chasse le pêcheur.
Le bonheur est dans la cueillette, dans l’échange de recettes et déjà dans l’assiette.

Lorsque soudain je vois un homme affairé sur la presqu’île de roches. Le nez en rase- motte, il renifle, mais ne sent rien. Pas même le varech. Le regard coincé entre les blocs, il zyeute, mais ne voit pas l’océan, ni les mouettes, ni la plage, ni les vaguelettres qui dessinent le temps. Il épluche chaque millimètre de roche ; Les oreilles, il les a perdues au vacarme de son silence. Ses mains sont jointes ! On dirait qu’il prie son Dieu d’ Amour qu’il ne doit en aucune façon lâcher au risque de se perdre à jamais. Que cherche-t-il dans ce lieu magique de lumières, de bruits, d’hommes et de ressacs, d’odeurs d’iode et de varech ?
Je passe près de lui. Il ne semble pas me voir ! Dans quel monde vit-il ? Droit comme un I, seul le point tombe vers l’avant et l’homme tourne autour de son point et du gros rocher. Je m’approche en douceur pour ne pas faire fuir l’éventuel tourteau, l’éventuelle huître encore accrochée au roc et qu’il voudrait peut-être surprendre, attraper ?
Mais non ! Il est absorbé dans sa tache ! Mais quelle tache ? N’en pouvant plus je lui demande ce qu’il cherche avec tant d’application !
Il redresse tout de même le point qu’il a sur le I et le nez qui va avec et me dit comme une évidence : je cherche le trésor ? La boîte quoi ! Comme si je devais être au courant.
Ouaouuuh ! je m’exclame scotchée, puis poursuit interrogative : Un trésor ? Une boîte ? Ici ? Puis, Il tente de m’expliquer qu’il participe à un jeu mystérieux. Un jeu virtuel, venu d’une autre réalité. Bizarre… me dis-je sortant moi-même de ma bulle d’un passé sans puces et sans virtuel !
Je découvre alors au creux de ses mains quelque chose comme un téléphone (j’en ai déjà vu): un I phone ? I pad ? I majuscule ? un I bou qui voit la nuit ?
Est-ce juste le point qu’il faut mettre sur les I pour qu’il continue la tête haute ? A moins que dans sa solitude il trouve la boîte de pandore qui attestera que le poisson fictif est pris au piège ! BRAVO !
Cette boîte, avec un petit point dedans, confirmera que ce chercheur a trouvé le lieu exact… Où il n’y a que du vent, que du vent !
De retour chez lui, il n’aura rien à se mettre sous la dent ! Juste le plaisir d’avoir trouvé le rien ! Gite sans couvert, pour homme seul.
Et tout d’un coup : Eureka j’ai fait le lien ! ouf !
Il cause avec son GPS = Grand Progrès Social !
Vive les vacances à la mer ou le vent souffle pour nous raconter ses voyages..

Sylvie Domenjoud
janvier 2018

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