Au vif du sujet

Au vif du sujet

- Il est mort !
- Qui ça ?
- le poète bien sûr !

- Il ne bouge plus.

- Classique quand on est mort !

- Mais tout mort qu’il est, sème-t-il toujours dans les prés, quelques perles de rosée tombant de ses yeux morts et des graines de bleuet de son corps mort ?

- Pour sûr, quelle question !

- Mais alors il est toujours vivant, même si il est mort ?

- Evidemment. Et c’est pour cela que la faucheuse rêveuse devant les si beaux bleuets des champs, a rendu son tablier de campagne !
Libre comme l’air, elle a migré en ville.
Elle a filé, là où les citadins courent à hue et à dia, là où ils prennent le mors aux dents et cavalent sur le goudron. Là où ils foncent après le bus, les puces, la santé, les plaisirs, les distractions, après le travail, l’argent, les ennuis, après le temps, après tout en criant : « courage fuyons ».
Mais de sa terrible faux la voilà qui coupe l’herbe sous les pieds des habitants des villes et des banlieues. Ils se retrouvent ventre à terre et ne prennent même pas le temps de voir les malheureux brins d’herbe qui s’immiscent et se redressent de toutes leurs forces de vie entre les dalles de béton et le macadam.

-C’est mortel cette vie !

Je ne te le fais pas dire ! C’est un vrai calvaire. Pourtant ce n’est pas la mort que de s’exclamer devant ces merveilles de la nature.

- Mais le poète qui est mort de sa belle mort, que devient-il ?

- Inlassable, il parcourt pendant ses temps morts la ville et sème toujours quelques perles de rosée tombant de ses yeux morts et des graines de bleuet de son corps mort.
Parfois, on en voit refleurir, héroïques, au hasard des rues.

- Magnifique ! Je pourrais en mourir de joie.

- Super ! Quelle belle mort.
Et la faucheuse dans tout cela ?


-Attendrie et conquise par la force de vie des bleuets, elle encourage le poète !
Du coup elle tranche à tours de bras tout en chantant : « Bleuet, dis quand reviendras-tu, dis au moins le sais-tu ? épargnant les rares bleuets qui se redressent au chant du poète, tandis que bien des habitants se carapatent, la mort dans l’âme, à folle allure devant elle.

-Ils doivent être morts de trouille ! Pourtant ce n’est pas la mort que d’être vivant, tout de même ! On dirait des morts-vivants.

-On peut les voir ainsi…Mais le poète, l’âme en fête, le bleuet à la boutonnière, sous un air de printemps, chantera jusqu’à la fin de sa mort ces tendres bleuets vivant au cœur de l’être.

Sylvie Domenjoud le 8/12/21
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